Fra li monti-GR20 ballade printanière

le kingTout avait bien commencé…et tout ne s’est pas mal fini d’ailleurs!
Grâce aux largesses de l’Etat Français et aux conditions climatiques exceptionnelles de ce mois de mai j’ai pu profiter de mon séjour sur l’Île de Beauté pour réaliser le mythique GR20. Première grande rando, en solo, et pieds nus !

A là lecture du topo j’envisage de faire la traversée Sud-Nord et de doubler les étapes; ça devrait taper dans les 2000m de D+ par jour environ, le parcours est donné en 16 étapes, ça devrait en faire 8 donc. Par chance la météo du lundi 6 mai annonce 9 jours de beau temps consécutifs. Bref juste ce qu’il faut, je fais mon sac qui pèse au final 18 petits kilos, mercredi matin, 8h, je pars sur les chemins, bambinouillant* gaiement.

Mercredi 8 mai: D+ 1873m / D- 590m
8h00.départ de Conca, droppé là bas en voiture
12h00.refuge I Paliri; j’ai mis 4h contre 6h30 dans le topo, super, à ce rythme là dimanche je suis à Calenzana!
13h00.passage à Foce Finosa
13h40.arrivée à Bavella, un joli brouillard d’été, je desserre les chaussures un instant au bar du col.
_MG_775314h30.c’est reparti pour la seconde partie de la journée, direction le refuge d’Asinao par la variante Alpine, la montée à Punta di l’Accelu est raide mais sympa, la traversée derrière bien aussi, le passage avec les fameuses chaines est anecdotique. La descente qui rejoint l’itinéraire normal est sévère : nombreuses racines dans un chemin raide._MG_7766
18h45.refuge d’Asiano, j’ai mal aux pieds, au dos, le sac est un paramètre nouveau et assez désagréable, les chaussures d’alpi sont pas forcement le meilleur choix, mais la partie nord est enneigée donc ce n’était pas vraiment un choix. Enfin, une bonne étape de faite, celle du lendemain est plus courte, enfin moins de dénivelé+, cool, dodo.

Jeudi 9 mai: D+ 1090m / D- 1030m
_MG_77767h40.départ d’Asinao
9h30.pause photo à l’Incudine, ciel dégagé, un régal. Je découvre qu’un itinéraire bis existe pour l’étape en question, il s’agit en fait de l’ancien tracé du GR, sur la carte ça semble plus court mais je décide de rester sur le programme initial, passer par Matalza. _MG_7793
12h30.refuge de Maltaza, en construction, je suis éclaté, mes pieds me brulent, mes épaules hurlent sous le poids du sac, je trouve un rocher à l’ombre et je récupère comme je peux. Les voitures qui viennent de Zicavo me disent que ce serait plus sage d’arrêter là, une envie: redescendre vers la civilisation et me mettre sur « off ». Après une heure de repos et de tergiversations je décide (courageusement) de poursuivre, notamment parce que si je fais ça je risque de me faire pourrir par mes camarades continentaux, et puis ça aurait été la loose quand même.
13h30.bref c’est reparti, un petit passage par les bergeries de Basseta où j’apprends avec une certaine joie qu’il ne reste que 4h pour arriver à Usciolu.
_MG_783117h00.la traversée du ruisseau de Partusu est délicate, j’arrive à Punta di a Scadatta, ça a été laborieux, mais on voit le refuge, il est « juste là »
18h30.refuge d’Usciolu, après une âpre bataille sur une arrête rocailleuse abominable. Refuge gardé, très bon accueil, myrthe locale de qualité. Mes orteils sont en fait deux grosses ampoules…

Vendredi 10 mai: D+ 747m /D- 1200m
_MG_7840 8h30.après une absence de bonne nuit de sommeil du fait d’un duo de ronfleurs de compétition, je me remet en route après avoir confectionné de sympathiques réparations sur mes pieds meurtris. Les deux premières heures sont un régal, jusqu’à Punta Mozza, grand soleil, je récupère un protège sac sur une vire rocheuse et double le duo de ronfleurs qui prévoient de faire étape au prochain refuge, bonne nouvelle, je vais au suivant!
10h30.comme toutes les bonnes choses ont une fin, le temps se couvre et il se met à pleuvoir, je ferai tout le trajet entre Bocca di Laparo et Prati dans un brouillard bien dense, la montée à Punta di Campitello est athlétique, c’était probablement joli mais j’ai rien vu…
_MG_7851 14h00.refuge de Prati, ça sent le Zyklon (les refuges ont été traités contre les punaises de lit la semaine d’avant, comment ça de mauvais goût?!), je prend une Pietra chez les « très aimables » gardiens (si vous passez là bas le message en dessus de l’évier donne la couleur!).
15h00.c’est reparti, je descend sur Bocca di Verde, je croise une famille qui monte et qui me demande si c’est plus facile après, les pauvres…
16h30.arrivée à Bocca di Verde, gite sympa, première douche, chaude en plus! Serveuse bien mignonne aussi tiens.
Toujours mal aux pieds mais l’étape du lendemain est cool, ça devrait le faire.

Samedi 11 mai: D+ 890m / D- 1140m
_MG_7881_MG_78938h00.départ de Bocca di Verde pour une rando printanière
10h15.
pause à 1515m, dans la descente de la crête de Pietra Scopina, le trajet est assez plat et interminable, mais le sentier est grand luxe par rapport à ce qui a été rencontré jusqu’alors.
12h00.
gite à E Capanelle, gardé par des portugais où je ne sais trop quoi. Je m’offre une assiette de charcuterie le temps d’une pause bien méritée.
13h10.
remise en route, trajet agréable jusqu’à Bocca Palmente d’où se découvre le Monte D’Oro, couvert de nuages. C’est là que commence la descente sur Vizzavona, interminable et désagréable. J’arrive au Village avec un mal de chevilles fulgurant, bref je me déplace comme un vieux…
17h40.
arrivée à Vizzavona, et c’est là que les problèmes ont commencé… Et oui, les refuges étaient supposés être ouverts non gardés, or ce n’était pas le cas, et moi qui pour  une fois avait prévu large en partant avec 100 euros en cash, je me retrouve avec 10 euros pour la suite du parcours. Mais bon, chaque problème à sa solution, je prend le train pour Ajaccio et récupérer du cash.
21h00.
je suis chez tonton, pizza whisky devant national geographic channel après une bonne douche.

Dimanche 12 mai: D+ 1221 / D- 771m
11h10.arrivée à Vizzavona
12h00.j’arrive à la cascade des anglais, après avoir remonté le ruisseau de l’Agnone, qui me donne envie de sauter dans ses vasques turquoises (oui il y a encore du soleil, les vasques sont encore turquoises).
Puis ça se gâte; après un dénivelé moyen interminable, à l’ombre dans les névés, je remonte en ligne droite les 400 derniers mètres de dénivelé jusqu’à Punta Muratello.
14h50.Très belle vue de Punta Muratello, enfin surement. Je descend jusqu’au refuge de l’Onda avec une visibilité de 20 mètres, je fais du « pierre à pierre », merci le balisage.
16h15.refuge de l’Onda…non gardé, pas d’eau courante. Les Bretons qui font le chemin avec moi depuis Asinao ont l’amabilité d’aller chercher l’eau à la source située à 20 minutes du refuge.

Lundi 13 mai: D+ 1500m / D- 1320m
_MG_7946 6h40.départ, grand beau temps, passage par les crêtes enneigées, a Punta di l’Altore je vois à quel point la descente dans le brouillard de la veille était belle.
L’itinéraire commence à être enneigé, je vais faire la trace pour les bretons qui ne sont pas dans leur élément!
10h00.refuge de Petra Piana, je croise le gardien, un vrai montagnard qui est venu remettre de l’ordre avant la saison, quand je lui fait remarquer que l’acceuil dans le sud était pas top il me dit « oh vous savez, sur le parc on est trois professionnels de la montagne, après dans les refuges il y a de tout; des bergers, des épiciers, des escrocs, des assassins, des voleurs, des bandits… » Il se fait quelques soucis pour son ravitaillement car la météo doit se dégrader (comme vérifié sur le net la veille).
11h00.départ de Petra Piana dans la neige
12h00.arrivée à Bocca Muzzella, au fur et à mesure la vue se dégage sur les lacs de Melo et Capitello.
_MG_798115h00.arrivée à la Brèche de Capitello, quasiment tout dans la neige, temps exceptionnel, le bonheur. Je croise deux savoyardes en short basquettes qui courent dans la neige là où je suis avec les bâtons et les crampons… Petite pause pour profiter de la vue sur les Calanques de Piana.
16h40.arrivée à Manganu, pas gardé comme prévu, la descente dans la neige est un régal, je me prendrai une boite monstrueuse mais sans gravité sur une dalle mouillée, preuve que mine de rien on commence à fatiguer, malgré ça mon sac s’allège, j’ai presque plus mal aux pied et les ampoules sont en rémission.

Mardi 14 mai: D+ 1033m / D- 643m
_MG_8001 7h25.départ de Manganu
Ca monte tranquille jusqu’à Bocca a Reta, je passe par les pozzines,le fameux Lac de Ninu, un petit cours d’eau à franchir me donnera du fil à retordre. Redescente sèche à Bocca San Pedru pour une interminable traversée pour rejoindre le Col de _MG_8018Vergio.
12h00.Col de Vergio, c’est la fête, deux heures de pause, restaurant et point météo…les prévisions sont catastrophiques. On voit d’ailleurs que des accumulations nuageuses commencent à se former.
14h00.départ, direction Ciottulu di i Mori; il faut remonter le Golo, ruisseau mythique de l’histoire corse qui prend naissance au pied du Paglia Orba. Je lambine bien dans la montée, _MG_8048profitant de ce cadre idyllique pour le dernier jour de beau temps, avec entre autres une courte baignade, une longue sieste sur un rocher chaud comme il faut et une session photo de goligolien.
_MG_807119h45.refuge de Ciottulu di i Mori, qui lui est gardé, c’est à n’y rien comprendre…enfin, après avoir longuement hésité je décide que le lendemain je rebrousserai chemin et terminerai par le sentier de randonnée « Mare e Monti ». Le cirque de la solitude est en glace, j’ai amené les crampons et le piolet mais je n’ai guère envie de me retrouver en haute montagne avec les orages.

 

Mercredi 15 mai: D+ 400m / D- 2300m
_MG_8081 _MG_80927h00.en fait il fait beau, mais je décide, la mort dans l’âme, de suivre ma décision de la veille.
Je redescend le Golo pour prendre le sentier de la transhumance, je croise de nombreux mouflons, une salamandre, du brouillard pas trop épais et de nombreuses averses…
Je passe Bocca di Guagnerola, qui m’offre une vue splendide sur des granites multicolores, et encore des mouflons, et 800m de dénivelé négatif.
11h00.je franchis Bocca Capronale, qui m’offre une vue splendide sur 1200m de dénivelé négatif, le chemin est vertigineux, les lacets sont taillés dans le flanc de la falaise. En bon randonneur irresponsable je fais partir un gros bloc qui dégringolera pendant une bonne minute avec fracas (un peu comme quand Pippin fait tomber le seau dans la tombe de Balin*).
Bref une descente interminable et douloureuse qui se termine par une piste forestière jusqu’à Barghjana.
15h00.arrivée à Barghjana, de là il reste 5km sur route à parcourir jusqu’à Tuarelli, je fais une pause sous une averse, sur le parking situé à côté de l’Eglise, c’est la crise j’ai vraiment mal.
15h30.départ…je mettrai 1h30 pour faire le trajet jusqu’au gite.
17h00.arrivée au gite, intéressant. Le patron est complètement beurré, l’équipe semble tout droit sortie de massacre à la tronçonneuse. Je mange mes pâtes au bord du Fango, c’est super. En fait non, quand elles sont cuites il se met à pleuvoir copieusement, de rage je les jette, ça fait dix jours que j’en mange, j’ai même plus de fromage rappé ni de concentré de tomates pour leur donner un semblant de goût. J’achète deux bières, enfin là aussi c’est pas vrai, je les ai jamais payées^^.
Bon bilan du soir, je regarde la carte, je table sur deux jours pour finir, le panneau à côté du gîte indique 7h pour aller à Bonifatu.

Jeudi 16 mai: D+ 1400m / D- 1220
7h00.il pleut… je mange une glace (cool non?) et je retourne me coucher (là il commence à y avoir du suspens).
10h15.il ne pleut plus (dénouement inattendu tiens!),je décampe après avoir payé la nuitée et la moitié des consos au fameux Pierrot Mariani.
11h15.je cours dans le maquis, le sac n’est plus très lourd, le maquis est trempé, je suis trempé, il fait beau, j’arrive rapidement à Bocca di Luca.
12h45.Bocca Bonassa (ça fait un peu « la bouche de la bonasse » non?), dans les pins et le brouillard, le vent les chasse et m’offre une vue splendide sur Calvi, cependant ce moment est trop éphémère pour être immortalisé et il fait bien froid, et humide, mon rythme de progression est bon, je descend tout droit sur Bonifatu.
_MG_8102 _MG_811514h15.Bonifatu, j’ai bouclé en 4h ce qui était donné en 7, whaou, je suis un sur homme! Sur cette lancée je vais continuer, je me renseigne au gite (très sympa); il faut 5h pour aller à Calenzana et en plus le gite est  complet! Je fais ma dernière pause, vide mon sac de tout ce qui est superflu, je jette mes chaussettes qui on vaillamment tenu depuis le premier jour (elles sont passées de noires à vertes, et de pas trouées à trouées pendant le périple).
15h30.c’est reparti, du chemin de rando tranquillou, essentiellement une piste forestière, il y a des nuages de partout mais le chemin est au soleil.
18h00.je rejoins l’itinéraire balisé rouge et blanc, soit le départ officiel du GR20, 15 minutes plus tard je suis à Calenzana.
18h30.une infirmière jeune et jolie (si, c’est vrai) me prend en stop pour Calvi, direction restaurant pour festoyer.
21h00.j’ai super bien mangé, à la fois vu ce que j’ai mangé pendant 8 jours c’était pas dur, je m’en vais chercher un hôtel. Et c’est là que…
…tous les hôtels sont pleins, c’est le départ du tour de Corse en Rallye (« Fuck you God »), je m’apprête à passer la nuit dehors malgré la pluie, mais le destin en décidera autrement : je rencontre Alexandra, une jolie petite brune à la taille fine, elle m’invite à passer la nuit chez elle, mais il faudra que je partage le lit avec sa cousine Laetitia, une petite brune tout aussi mignonne. Je leur raconte mon périple à travers la montagne corse pendant qu’elles font la cuisine, les yeux brillants, puis…j’aurais bien aimé que ça finisse comme ça, j’ai du en rêver depuis mon rocher à Maltaza…. En vérité, et par hasard, et oui, comme souvent, je croise un gros chauve avec une énorme cicatrice sur le crâne à la table d’un café (il est quand même 23h), qui me propose de m’emmener dormir quelque part pour 50 euros. Au final je me retrouve dans un motel, trop la classe. Bon comme c’est louche quand même je dors avec le piolet sur la table de nuit.

Vendredi 17 mai:
retour en train à Ajaccio pour entamer deux semaines de convalescence au village.

Bilan:
– GR20 pas terminé, mais la décision était la bonne je pense, dans le brouillard au mieux je me serais pas amusé, et ça fera l’occasion de revenir et de faire le Cintu dans la foulée.
– Bonne gestion de l’autonomie, même si c’est un sacré handicap et que ça fait vraiment souffrir d’avoir 5kg de nourriture au départ.
– Très mauvaise appréciation de la difficulté d’une randonnée; comme en ski de rando je n’avais pris en compte que les difficultés liées aux montées…grosse erreur, très grosse erreur, je n’ai jamais autant souffert que dans les descentes. Après d’un point de vue technique c’est bien alpin, aucun soucis pour des montagnards, mais peu choquer les randonneurs « classiques ».
– Qui est chaud pour le faire en 5 jours l’année prochaine? on peut trippler les étappes, si si (et doubler les « p » aussi)!

Et bien sûr, d’autres photos ici!

Anto’

PS: coucou à tous les gens que j’ai pu croiser sur le chemin; les bretons, les ubayais, les savoyards, les corses mais aussi les cohortes de belges assoiffés de sang.

PS2: pour les ronfleurs d’Usciolu, allez ronfler en enfer, merci !